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Ma Culture Alter-Native
20 avril 2005

Dispute matinale

couplefight3

Je propose une autre page de cette nouvelle qu'on pourrait appeler les "24 heures de la vie d'un étudiant cynique". Cet extrait raconte la première rencontre de la journée entre Stéphane, l'étudiant insomniaque et son amie Hélène, à la récréation de dix heures, alors que Stéphane sort d'un cours d'Algèbre et que son amie, vient le rejoindre.

Stéphane cherchait désespérément à se frayer un passage à travers la troupe d’étudiants inutiles lorsqu’il aperçut Hélène qui se dirigeait vers lui d’un pas rapide et léger. De taille moyenne, vêtue d’un jean moulant et d’un débardeur noir, elle aurait facilement pu passer pour l’étudiante moyenne mais elle avait de jolis yeux bleus, une chevelure de jais et des mains presque parfaites, ce qui était très rare selon Stéphane, son mec’, son homme, son « futur », son « petit ami », autant d’expressions tout à fait ridicules selon ce dernier : il n’était pas possessif et, se considérant sans avenir, il ne pouvait comprendre qu’il puisse être le « futur » de quelqu’un, d’une jeune fille a fortiori. Il ne saisissait pas non plus pourquoi qualifier une chose de petite la rendait immédiatement adorable, attendrissante, affectueuse, aimée et aimante. Que penser des armées de petits vieux, ces gens qui vous plonge dans un abîme d’amertume d’un seul regard, dans ce cas ?

De toute façon, Stéphane n’avait pas de foi dans son couple : selon lui, le miracle ne s’était pas produit. Au fil des mois, Hélène s’était révélé d’une tendresse artificielle : son âme manquait d’épaisseur, son cœur n’était capable de « fabriquer » qu’un amour factice et égoïste, son affection n’était qu’apparente. Chaque jour, Stéphane était plus persuadé qu’Hélène faisait semblant de l’aimer, pour satisfaire les apparences, pour rentrer dans le moule de la jeune étudiante sage ou par peur du célibat et de la solitude. Tout était si formaté dans leur simulacre de couple.

Pourtant, Stéphane n’avait aucune intention de quitter Hélène, il avait beaucoup de tendresse, d’affection et d’attirance physique pour elle. Au fond de lui se cachait un secret espoir que quelque chose se passe, qu’il parvienne à percer la carapace (ou la croûte) de fausse pudeur, d’apparat et de matérialisme qui recouvrait le cœur et l’âme d’Hélène. Peut-être aurait-il alors découvert une planète bleue, peut-être aurait-il trouvé l’âme parfaite qu’il avait toujours recherchée. De plus, elle était pour lui un repère, un lien avec le monde réel, une bonne raison de vivre et une personne avec laquelle partager ce qui pouvait l’être.

Tandis qu’il restait immobile, le regard froid et l’esprit égaré, elle avait pris tendrement sa main et l’avait arraché aux autres, qui demeuraient complètement indifférents à la présence d’Hélène et de Stéphane, trop aspirés par le dernier clip d’Eminem et la superproduction à superhéros du moment. Stéphane finit par plonger dans les yeux de son amie, sa compagne, son log comme il aimait l’appeler pour la gêner. Elle n’aima pas cela et elle n’avait pas tort : ce n’était pas très intelligent ni même poétique mais elle préférait mille fois cela à ln 3 même si l’allusion à la célèbre princesse troyenne, réputée pour sa grande beauté, lui rappelait inlassablement ses nuits d’amour avec Stéphane, qui, sous ses airs d’intellectuel timide et perdu, était capable de l’érotisme le plus troublant lorsqu’il laissait libre cours à sa folie. Ce long regard exprimait à Hélène sa profonde gratitude. C’était un comportement minimaliste mais, aujourd’hui, il n’avait pas envie d’exprimer ses sentiments. Il désirait juste plonger dans l’océan de ses yeux et passer de longues heures à l’intérieur de ces deux mondes bleus, seul face à la mer et à l’écume. Il pouvait même la voir immobile devant l’océan, vêtue d’une longue robe blanche, sa majestueuse chevelure brune ondulée par le vent, comme si elle attendait qu’une vague l’emporte ailleurs et le schéma se répétait à l’infini, à la manière d’une peinture en abîme. Malheureusement, il n’avait pas de temps pour ce genre de choses. Il l’enserra par la taille et l’emmena un peu plus loin pour lui parler sérieusement. Il voulait l’inviter à la soirée de ce soir même s’il savait qu’elle n’appréciait guère ce qu’elle considérait elle-même comme une beuverie organisée. Mais, il n’en eut pas l’occasion car elle engagea tout de suite la discussion :

« Stéphane, tu vas bien ? se renseigna-t-elle.

          -         Bien sûr, pourquoi ? répondit Stéphane, l’air distrait mais surpris.

-         Tu as une mine de déterré, s’inquiéta-t-elle.

-         De déterré. Je suppose que je me suis …mal réveillé, répondit-il.

Il avait répondu sans conviction. Visiblement, il avait l’esprit ailleurs.

         -         Ne me mens pas, Stéphane ! Je te connais assez bien pour savoir que tu ne vas pas bien ce matin, affirma-t-elle en parlant de plus en plus vite, comme pour sortir Stéphane de son apathie cérébrale.

Pour la première fois depuis plusieurs semaines, Hélène avait élevé la voix. Elle semblait inquiète et impatiente. Stéphane essaya de la rassurer sans résolution :

-         Depuis quelque temps, mes nuits sont assez difficiles. Mais, ne t’inquiète pas, Amour : tout ira mieux bientôt, très bientôt… Je te le promets.

-         Bon, je te fais confiance mais tu m’inquiètes beaucoup, avoua-t-elle d’un air faussement rassuré.

-         Il ne faut pas, Hélène. Je suis un survivant. Tu peux venir ce soir ? demanda-t-il avec un sourire forcé.

-         Non, répondit-elle avec empressement pour mettre fin à un sujet sans intérêt selon elle. C’est normal que je me fasse du souci. Je suis ta petite amie, Stéph’.

-         Pour l’instant… répondit-il de plus en plus évasif. Il ne savait pourquoi il avait répondu cela, mais, maintenant que ces mots s’étaient échappé de sa bouche, il savait comment Hélène allait interpréter cette réponse.

-         Que suis-je censée comprendre ? demanda Hélène, vexée.

Stéphane saisit cette occasion fortuite de parler franchement à Hélène et de lui faire enfin comprendre que tout n’était pas parfait dans leur couple. Cela valait beaucoup mieux pour elle.

-         D’une part, que je ne t’appartiens pas et d’autre part, que bien des choses peuvent changer… disons … rapidement. Cela veut aussi dire que je n’ai pas autant besoin de toi que tu ne pourrais le penser.

Cette fois, il avait parlé pour empêcher Hélène d’être trop possessive : il ne pouvait accepter que qui que ce soit, même Hélène, le considère comme un objet. Cela lui donnerait l’impression de se corrompre, de renoncer à ses libertés et à son destin. D’ailleurs, il n’avait pas parlé, il avait littéralement soufflé ces mots à son amie afin qu’elle en comprenne toute la mesure.

Pour faire sortir ces mots cruels de sa bouche, Stéphane avait parlé très lentement d’une voix basse et grave. Cela lui avait moralement coûté de prononcer de telles paroles mais il s’agissait là d’un sacrifice nécessaire : Hélène devenait selon lui trop envahissante.

En outre, ce dialogue avait tout à fait convaincu Stéphane que, s’il laissait les choses aller ainsi, Hélène finirait sans doute par découvrir ses pensées sombres, ses angoisses, ses mélancolies et ses malaises. Il voulait à tout prix éviter cela. Après avoir réussi à épargner Hélène de tous ces maux pendant tant d’années, tant de jours et surtout tant de nuits, Stéphane ne pouvait accepter qu’elle découvre cela aujourd’hui. Stéphane s’était promis de protéger Hélène de ses ténèbres intérieures. Il y a bien longtemps, il s’était engagé sur la voie de la mascarade, de l’apparat et du mensonge. Pour cela, peut-être paierait-il le prix fort mais il ne lui restait qu’une unique solution : assumer. Au plus profond de lui, Stéphane ne voulait pas répandre autour de lui ses tares. Son entourage n’avait pas à supporter cela. D’ailleurs peut-être ne l’aurait-il pas supporté. Quant à lui, il vivait avec ses troubles depuis l’enfance et ils faisaient maintenant partie de sa vie, de son âme et de sa personnalité. Ainsi, encore aujourd’hui, il devait tout supporter et protéger les siens.

-         Ne sois pas ridicule, mon Stéphane d’amour. Bien sûr que tu m’appartiens.

En réponse à la voix forcée de Stéphane, Hélène avait opté pour une voix sensuelle, féminine, tendre, presque coquine. Cela lui rappela toutes leurs improvisations, parfois romantiques, parfois érotiques, à partir du thème de « La Belle et la Bête ». Stéphane s’était parfois montré tellement inspiré… En revanche, même si cette discussion ressemblait à leurs jeux, la situation devenait de plus en plus difficile et Hélène commençait à ne plus savoir comment remettre son couple sur le droit chemin.

A ces mots, Stéphane sentit sa colère monter. Il entendait une petite voix révoltée mais digne qui lui disait qu’il n’était pas un objet, qu’il n’était pas la chose d’Hélène, qu’il n’avait pas besoin d’elle et qui demandait : « Qui est-elle pour te posséder ainsi ? »

-         C’est ainsi que tu me vois ? demanda-t-il. Une conquête ? Quel est mon prix ? Combien je vaux ?

Cette fois, il avait l’air très serein et sûr de lui.

-         Tu me fais la morale ? Toi ? D’accord. Dans ce cas, la réponse est : tu es ce que j’ai de plus précieux, annonça-t-elle gravement, dans le but d’émouvoir son petit ami, qui lui échappait de plus en plus.

-         Ce que tu possèdes de plus précieux, rectifia-t-il, cynique. Stéphane se sentit exaspéré. Il fut tellement déçu par le comportement possessif d’Hélène, qu’il aimait malgré tout.

-         Le plus important, c’est notre couple, Stéf’. Tu y as pensé ? demanda-t-elle, furieuse et affolée.

-        De moins en moins, ma chère, de moins en moins. Il y a pour moi des choses infiniment plus importantes… ironisa-t-il, troublé par le fait qu’il ne savait même pas s’il mentait ou pas.

-         Et moi ? demanda-t-elle simplement, à cours d’arguments.

-         C’est vrai pour toi aussi, Hélène, je suis désolé, s’excusa Stéphane qui n’avait jamais eu l’air aussi résolu.

-         Et notre passé ? La voix d’Hélène se faisait à la fois pleine d’espoir et de désespoir.

-         Je le respecte et ne l’oublierai pas mais, il est trop tard… Je vais être en retard, mon log, acheva-t-il.

-         On déjeune toujours ensemble ? demanda-t-elle, choquée.

-         Comme tu veux, Hélène, lança-t-il, indifférent.

-         Je ne préfère pas, avoua-t-elle en retenant ses larmes.

-         Pas d’objection, votre Honneur. Je demeure néanmoins à votre disposition… A demain, oui, à demain »

Stéphane se détourna d’Hélène car de chaudes larmes commençaient déjà à perler autour de ses grands yeux de biche. Le spectacle était sans doute magnifique mais il ne pouvait en supporter davantage.

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M
oh toi je sens que tu vas me plaire avec tes petites histoires bien sympathiques...bien longues et bien compliquées ...tout ce que j'aime...<br /> A bientôt...
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